Le wolof, cette barrière qui nous rapproche

23 octobre 2013

Le wolof, cette barrière qui nous rapproche

 

Le wolof, un must pour s’intégrer au Sénégal.                                           Source : Amazon.com

C’est en conquérante que j’ai foulé la terre de Senghor pour la première fois.  J’avais appris ses poèmes à l’école, et j’avais entendu sa voix plusieurs fois à la radio ou à la télé (ses discours ont été retransmis plusieurs fois). Pour la danse aussi,  j’avais l’habitude de regarder les concerts de Youssou Ndour retransmis fréquemment sur notre chaîne nationale la CRTV (Radio -Télévision camerounaise). J’allais être plus Sénégalaise que les Sénégalaises et mon français allait être limpide comme de l’eau minérale.

Cependant la compétition s’annonçait rude. Tous les Sénégalais que j’avais rencontrés à Douala s’exprimaient avec une telle éloquence !

Voici donc venue ma première expérience linguistique.

Arrivée à l’aéroport du nom de l’illustre président poète à 4 heures du matin, je n’eus pas le temps de faire la causette. Le soir même m’aventurant enfin à l’extérieur, j’essaie de faire un brin de causette avec le boutiquier du bas de l’immeuble. Pas un mot de français ! C’était à coup de Dégoul Wolof? Dégouma français*. Je me suis dit : ce boutiquier doit venir du village, ce n’est pas bien grave.

Le lendemain, au marché.

Pas une seule phrase entière en français. Les Dieux étaient-ils tombés sur la tête ? Je ne cherchais pas à avoir une conversation de littéraire, mais tout de même, avec certains marchands il fallait connaître le nom de ce qu’on voulait … en wolof ! Sinon pas la peine d’espérer quoi que ce soit.

A l’université

Je ne vais pas vous dire que le français n’était pas aussi la langue utilisée, ou alors incomprise, ne paniquez pas. Pour les cours, le français était utilisé, mais il est arrivé que le professeur sorte deux ou trois mots wolofs jusqu’à ce qu’il se souvienne de la présence des niaks dans la salle (c’est qui ceux-là? ne vous inquiétez pas j’en parle dans mon prochain article).

Les étudiants aussi s’exprimaient en français pour les cours, mais dès qu’il y avait quelques secondes de pause, retour au wolof. Il m’est arrivé de me retrouver en pleine conversation avec un groupe d’étudiants et deux secondes après, sans savoir comment, toute la discussion avait viré au wolof et impossible de la ramener vers Molière.

Il faut s’adapter pour mieux s’intégrer 

Après des jours de frustration, j’ai fini par apprendre quelques mots et croyez-moi ma vie a bien changé. J’ai même pu  me rendre compte qu’il suffisait de mettre un seul mot wolof dans une phrase en français et les langues se déliaient. Ceux qui ne connaissaient aucun mot français arrivaient soudainement à vous comprendre. A condition évidemment de mentir sur la durée déjà passée sur le territoire. Oui, car si vous dites que vous êtes installés au Sénégal depuis 5 ans et que votre wolof est quasi inexistant, c’est à peine si on ne vous toise pas.

Après 7 ans passés à Dakar, je continue à dire que je suis arrivée  … il y a un an de cela.

Les Sénégalais veulent que les visiteurs parlent leur langue et n’hésitent pas à se proposer pour des cours. Tous ceux qui sont passés par ici ont retenu au moins un mot en wolof. La dernière fois, ma grand-mère qui a fait ses études d’infirmière ici, m’a sorti quelques mots en wolof au téléphone, son séjour remonte à plus de 50 ans aujourd’hui.

Bref, ce que j’ai pris comme un obstacle au début se révèle être pour moi un outil parfait d’intégration. Je ne vais pas faire de parallèle avec les langues locales au Cameroun où plus de 200 ethnies cohabitent… C’est un autre débat. On parle français et anglais, vaut mieux ne pas chercher à imposer une langue locale d’une ethnie ou d’une autre, ce serait mettre le feu à une poudrière.

Allez au prochain billet, ba bénène yonne*

 

Dégoul Wolof? Dégouma français*  = Tu ne comprends pas le wolof ? Je ne comprends pas le français.

ba bénène yonne* = A la prochaine.  

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Commentaires

josianekouagheu
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Oh félicitation! A force de persévérer, tu y es arrivée. Et cette situation me montre que rien n'est impossible dans la vie. Il y a quelques mois, à la faveur d'un voyage de formation organisé par Mondoblog au Sénégal, j'ai compris combien une langue pouvait unir un pays. Et ça m'a fait tellement plaisir. Mais en même temps, je me disais que je ne pouvais même pas retenir quelque chose. Que non! Si j'étais restée là comme toi pendant au moins deux ans, j'aurais retenu quelque chose. Beau billet!

habesha
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Merci Josiane. On a dû alors se croiser, j'étais venue voir les mondoblogueurs à la galerie le manège.
Pour le wolof, j'ai honte de le dire mais je pense que si je m'étais plus investie, mon niveau serait bien meilleur qu'il ne l'est aujourd'hui mais au moins j'arrive à me faire comprendre c'est déjà ça :-)

DEBELLAHI
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C'est exceptionnel ! Comme l'intégration africaine est à notre portée ! Il suffit d'y croire, et de s'y mettre. Merveilleuse est cette barrière qui rapproche! Bravo. Mane Dégouma wolof. Dengue Narou Guenaar. ba bénène yonne.

habesha
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Oui Debellahi, il faut surtout s'y mettre ;-) Merci pour ton commentaire, ba bénène yonne.

Florian Ngimbis
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Heu... c'est bien le blog de qui je pense?

habesha
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Heu ... Vas y dis nous tout à qui penses-tu Florian? :-)

Limoune
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Ndanke Ndanke Diop golo si niaye !! :)

BIRWE Habmo
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Cool comme article..vive le dialogue des cultures!

habesha
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Merci Habmo. Oui Vive le dialogue des cultures!

pascaline
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Le meilleur dans tout ça, c'est le moment où tu arrives à comprendre les conversations, ou du moins l'essentiel, sans que les autres ne s'en doutes, parce que justement ils se sont fait à l'idée que tu ne parlais pas la langue :) En Egypte, une collègue m'avait traité de péroquet devant tout le monde en arabe en pensant que n'y verrais rien et j'ai pris un malin plaisir à lui faire remarquer "éhhh non, je ne suis pas un péroquet !". Ce sont les petites victoires qui font les grands combats! Chouette article, c'est un régal pour moi de lire ça alors qu'il y a une semaine à peine j'étais un peu aussi le dindon de la farce, ou plutôt le mouton de la fête dans ce pays "wolophone" :D

habesha
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Très drôle ton témoignage Pascaline. Merci pour ton commentaire. Effectivement c'est assez tentant de bien maîtriser la langue et après écouter les conversation incognito ;-)

Mohamed SNEIBA
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Et moi qui vient pratiquement chaque deux mois à Dakar? Alors je retiens la leçon plus que celle de mon ami qui me dit : n'ouvre pas la bouche, s'ils se rendent compte que tu ne parles pas wolof, ils vont nous arnaquer! Apprendre le wolof, oui c'est une nécessité pour mieux vivre au Sénégal.
Billet très instructif;

habesha
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Dans tous les cas s'il s'agit d'un commerçant, ils savent flairer les étrangers donc wolof ou pas ils essaieront de doubler les prix.
L'astuce c'est soit de mettre un mot wolof par ci par là dans la conversation ou alors tout simplement négocier en français en divisant le prixdonné par deux. Je ferais d'ailleurs un billet à ce sujet. Bon prochain voyage à Dakar :-)

nathyk
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Super le blog, ça fait au moins deux camerounaises blogueuses au Sénégal sauf que moi je suis là depuis un an seulement et non je parle pas grand chose de wolof. A l'hôpital, quand je consulte des patients wolophones, je me fais aider par les infirmiers. A Madagascar, j'ai pigé pas mal de mots et le malagasy était plus bien plus perméable à mon cerveau que le wolof. Cette année, je me suis promis de faire des efforts. La langue, y a pas mieux pour s'intégrer. Merci pour cet article !

kareen
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"Je me suis dit : ce boutiquier doit venir du village, ce n’est pas bien grave." Des barres !!! merci pour ce moment !!