Le wolof, cette barrière qui nous rapproche
C’est en conquérante que j’ai foulé la terre de Senghor pour la première fois. J’avais appris ses poèmes à l’école, et j’avais entendu sa voix plusieurs fois à la radio ou à la télé (ses discours ont été retransmis plusieurs fois). Pour la danse aussi, j’avais l’habitude de regarder les concerts de Youssou Ndour retransmis fréquemment sur notre chaîne nationale la CRTV (Radio -Télévision camerounaise). J’allais être plus Sénégalaise que les Sénégalaises et mon français allait être limpide comme de l’eau minérale.
Cependant la compétition s’annonçait rude. Tous les Sénégalais que j’avais rencontrés à Douala s’exprimaient avec une telle éloquence !
Voici donc venue ma première expérience linguistique.
Arrivée à l’aéroport du nom de l’illustre président poète à 4 heures du matin, je n’eus pas le temps de faire la causette. Le soir même m’aventurant enfin à l’extérieur, j’essaie de faire un brin de causette avec le boutiquier du bas de l’immeuble. Pas un mot de français ! C’était à coup de Dégoul Wolof? Dégouma français*. Je me suis dit : ce boutiquier doit venir du village, ce n’est pas bien grave.
Le lendemain, au marché.
Pas une seule phrase entière en français. Les Dieux étaient-ils tombés sur la tête ? Je ne cherchais pas à avoir une conversation de littéraire, mais tout de même, avec certains marchands il fallait connaître le nom de ce qu’on voulait … en wolof ! Sinon pas la peine d’espérer quoi que ce soit.
A l’université
Je ne vais pas vous dire que le français n’était pas aussi la langue utilisée, ou alors incomprise, ne paniquez pas. Pour les cours, le français était utilisé, mais il est arrivé que le professeur sorte deux ou trois mots wolofs jusqu’à ce qu’il se souvienne de la présence des niaks dans la salle (c’est qui ceux-là? ne vous inquiétez pas j’en parle dans mon prochain article).
Les étudiants aussi s’exprimaient en français pour les cours, mais dès qu’il y avait quelques secondes de pause, retour au wolof. Il m’est arrivé de me retrouver en pleine conversation avec un groupe d’étudiants et deux secondes après, sans savoir comment, toute la discussion avait viré au wolof et impossible de la ramener vers Molière.
Il faut s’adapter pour mieux s’intégrer
Après des jours de frustration, j’ai fini par apprendre quelques mots et croyez-moi ma vie a bien changé. J’ai même pu me rendre compte qu’il suffisait de mettre un seul mot wolof dans une phrase en français et les langues se déliaient. Ceux qui ne connaissaient aucun mot français arrivaient soudainement à vous comprendre. A condition évidemment de mentir sur la durée déjà passée sur le territoire. Oui, car si vous dites que vous êtes installés au Sénégal depuis 5 ans et que votre wolof est quasi inexistant, c’est à peine si on ne vous toise pas.
Après 7 ans passés à Dakar, je continue à dire que je suis arrivée … il y a un an de cela.
Les Sénégalais veulent que les visiteurs parlent leur langue et n’hésitent pas à se proposer pour des cours. Tous ceux qui sont passés par ici ont retenu au moins un mot en wolof. La dernière fois, ma grand-mère qui a fait ses études d’infirmière ici, m’a sorti quelques mots en wolof au téléphone, son séjour remonte à plus de 50 ans aujourd’hui.
Bref, ce que j’ai pris comme un obstacle au début se révèle être pour moi un outil parfait d’intégration. Je ne vais pas faire de parallèle avec les langues locales au Cameroun où plus de 200 ethnies cohabitent… C’est un autre débat. On parle français et anglais, vaut mieux ne pas chercher à imposer une langue locale d’une ethnie ou d’une autre, ce serait mettre le feu à une poudrière.
Allez au prochain billet, ba bénène yonne*
Dégoul Wolof? Dégouma français* = Tu ne comprends pas le wolof ? Je ne comprends pas le français.
ba bénène yonne* = A la prochaine.
Commentaires