Je suis une niak, j’accepte

31 octobre 2013

Je suis une niak, j’accepte

Comme je le disais tantôt je suis arrivée au Sénégal depuis 7  ans déjà. Étrangère donc,  mais plus précisément, étrangère de l’Afrique centrale, vous verrez cette distinction a son importance dans mon histoire. Ce constat anodin je n’en saisissais pas l’ampleur jusqu’au jour où j’entendis ce qualificatif : niak.

DSC_0561
Photographe: Simone Gilges

 

Au début, un terme qui fait mal … 

« Vous les niaks là » « Niak Bi ». C’est de cette façon que j’ai connu ce terme. A l’époque, un ami sénégalais parlait de nos habitudes diverses et variées : boire de l’alcool, manger du porc, parler très fort dans les lieux publics, le concubinage, les femmes faciles, les femmes musclées. Oui, il a  aussi mentionné cette caractéristique.

En bref, beaucoup de préjugés, quelques vérités, mais surtout une stigmatisation qui n’était pas nécessaire.

Plusieurs définitions m’ont été données. Un vieil homme sénégalais à qui j’avais posé la question m’a expliqué l’origine du mot. A la base niak désignait les étrangers, ceux qui vivaient de l’autre côté. Les habitations étant séparées par des clôtures, ceux qui n’étaient pas à l’intérieur pouvaient être considérés comme un danger potentiel, comme sauvages. Et là, aucun rapport peut-être, mais la chanson du dessin animé Pocahontas m’est revenue tout d’un coup : « Mais si dans ton langage, tu emploies le mot sauvage, c’est que tes yeux sont remplis de nuages ».

Le temps qui passe ayant une incidence sur les mots, niak est devenu le terme utilisé pour les non-Sénégalais d’Afrique noire. Excepté les cousins maliens, les Guinéens et les Gambiens.

Un mot qui prête à confusion 

Combien de fois dans une conversation anodine ne m’a-t-on pas dit : « Ce gars ou cette fille, c’est ta compatriote ». Et moi de répondre: « Ah il/elle est Camerounaise»et la personne de surenchérir « non c’est un Ivoirien, mais c’est un niak comme toi non », ok. La Côte d’Ivoire est en Afrique de l’Ouest et moi je suis Camerounaise.

Combien de fois j’ai entendu : « Mais toi tu es niak, tu n’es pas comme nous ». Justement si, je suis aussi comme vous avec mes différences. Au lieu de nous séparer, elles devraient nous rapprocher.

Une amie sénégalaise qui a découvert récemment le blog m’a demandé de changer le nom, car «c’est péjoratif ». Et bien, j’ai décidé d’embrasser cet état.

Aujourd’hui, je me réapproprie le terme car au fond chacun a son « petit» nom

Les Français sont bien appelés  toubabs, les Nord-Africains nar. Je dois avouer qu’en plus d’être une niak j’ai aussi été confondu plusieurs fois à une toubab et à une nar. Mais je préfère garder l’extrême qui semble être la niak.

Dans d’autres contrées, les étrangers ont aussi un nom. Au Cameroun, tous les Nigérians sont des Biafrais même ceux qui n’ont rien à voir avec le Biafra (ce qui inclut qu’ils sont bandits ou experts en contrefaçon). Les Sénégalais sont appelés saï saï* ou saï tout simplement.

Au final chacun a son petit nom, mais quand on reçoit le sien ça fait moins rire évidemment.

Oui mes compatriotes parlent souvent d’une voix forte, mangent le porc et aiment la bière même si je ne corresponds pas à toutes ces caractéristiques, j’accepte. Oui j’accepte ce nom. A moi de ne plus ressentir la lourdeur de ce mot qui peut parfois tomber comme un coup de poignard ou comme une simple boutade.

Signée la niak.

Allez, au prochain billet.

Saï saï = garçon ou homme pas sérieux, beau parleur. 

Étiquettes
Partagez

Commentaires

awa
Répondre

mais niak pour nous c pas pejoratif je crois et puis comme tu la dit c la barriere ,oi quand je l emploie c si,ple,ent un no, comme les autres

habesha
Répondre

Merci pour ton commentaire Awa. Effectivement ça peut aussi dépendre du contexte mais pour beaucoup cette appellation est clairement péjorative moi j'ai décidé de faire avec :-)

Ziad
Répondre

Merci pour cette belle explication. Étant originaire du Liban, je ne sais pas si je suis Nar (ce serait imprécis, le Liban n'étant pas en Afrique), Toubab (médecin en arabe, c'est plutot élogieux) ou tout simplement Libanais (j'imagine que c'est synonyme de commerçant ou de bureau de change) ;-)

habesha
Répondre

Merci pour ce commentaire Ziad. Effectivement Libanais est très souvent synonyme de commerçant et pas qu'au Sénégal. Certains considèrent aussi que tous ceux qui parlent la langue arabe sont des nars, ce qui inclut les libanais. Comme je le disais passé l'étonnement et la frustration face à notre petit nom on a le choix soit de l'accepter soit de l'accepter :-)

Soraya
Répondre

C'est Toubib qui veut dire médecin pas toubab... !!!!

Baba
Répondre

Etant senegalais moi méme je rencontre des dificulté a ce therme beaucoup de mes amis du sous region avec qui j partage le méme école me reproche l'hatitude des sénégalais apeller les autres niak , et je ne sais pas quoi repondre ? mais la majeur partie dés sénégalais utilise ce mot pour identifiér mais par pour negativisé bien vraie que ce therme a un sens négatif

habesha
Répondre

Oui Baba, comme tu as pu le constater ce terme est mal "digéré" même si celui qui l'attribue ne pense pas forcément aux conséquences. Merci pour ton commentaire.

Yves Tchakounte
Répondre

Merci Niack!

remy
Répondre

C'est bien que tu abordes ce terme côté décomplexé avec cette légèreté. Çà te permet justement de bien t'intégrer au Sénégal. Il faut dire que les avis divergent sur le réel sens du mot ''niak''. Mais tout compte fait l'aspect péjoratif continue de prendre le dessus. J'ai écris un article aussi sur le sujet. Ça pourrait t'intéresser https://bit.ly/1cvMJbn

habesha
Répondre

Merci pour ton commentaire Remy. J'ai lu ton article également et effectivement ça peut devenir très frustrant et invivable mais vaux mieux prendre les choses parfois avec légèreté sinon on se fait du mal au fond pour pas grand chose ...

Sally Bilaly
Répondre

c'est pareil en Guinée Bissau on parle de Nania et chez nous en Guinée c'est le contraire

habesha
Répondre

Ah merci pour le tuyau Sally :) Si jamais je vais en Guinée je saurais à quoi m'attendre.

Edwige
Répondre

Merci pour ce bel article, effectivement nous aussi les gens de l'Afrique de l''Ouest sommes des niacks. Au début je n'arrivais pas à l'accepter mais comme tu l'as dit on ne peut qu'accepter ou accepter.

habesha
Répondre

C'est tout à fait ça. Accepter ou accepter ;) Merci pour ton commentaire Edwige.

Basile Niane
Répondre

Bravo pour ce texte. Oui je suis fier de toi en lisant ce texte qui enlève ce nuage flou qui barre la compréhension de ce mot. Pour moi ce mot Niak ne doit pas être un blocage. Au Sénégal, les gens ont juste tendance à déconner même si des fois cela dérape. Je suis une niak, j’accepte comme je dirai aussi je suis sérére et je l'accepte. Bel article et bonne continuation

habesha
Répondre

Merci Basile , ça me fait très plaisir ton commentaire et tes encouragements. Comme tu le dis ça commence souvent par une blague mais au bout d'un moment ça peut devenir frustrant.
Malgré tout Niofar ou bien?

Achille BOKALLY
Répondre

faut aussi signaler que même entre compatriotes il ya encore des petits selon l'ethnie à laquelle on appartient. Tout ce qu'on peut faire c'est de vivre avec. Allez ô la niak!!!

habesha
Répondre

Tout à vrai Achille. Je pourrais même écrire une encyclopédie sur les petits noms qu'on se donne entre nous au Cameroun. C'est en repensant à ça que je me suis dis qu'il faut que j'accepte mon surnom de Niack. Merci d'être passé par ici :)

Marie-Anne
Répondre

Pour une toubab à Dakar, apprendre à vivre avec ce "surnom" peut être assez fastidieux, mais comme vous le dites, de toute façon on n'a pas le choix de vivre avec! Lorsqu'on arrive, on pense qu'on est les seuls à être ainsi catégorisés, il faut dire qu'on est tellement visibles avec notre peau claire, mais on réalise rapidement qu'il en est de même pour tous les étrangers, peu importe l'origine. Et puis il faut bien se l'avouer, le Sénégal n'est pas le seul pays où "les autres" font l'objet de sobriquets... Si quelques fois le terme est clairement péjoratif, on apprend rapidement à apprécier les enfants qui nous saluent dans la rue en criant "toubab! toubab!" tous souriants et tout heureux de rencontrer des étrangers. Et puis d'autres fois encore, le terme renvoie à nos différences, mais pas nécessairement de façon négative, soulignant simplement des façons de faire qui ne sont pas pareilles. Dans ces cas, c'est merveilleux d'être toubab et de pouvoir partager sa culture dans son pays d'accueil! Parce que l'échange, c'est bien quand ça va dans les deux sens! J'espère qu'en tant que niak vous avez aussi cette chance de montrer à quel point la culture du Cameroun peut être riche!

habesha
Répondre

Merci la toubab pour ton commentaire ;)
Oui j'ai énormément de chance d'avoir connu des personnes merveilleuses ici au Sénégal , aussi bien des sénégalais que d'autres nationalités. Passé le cap de la surprise et des premières frustrations je me suis vite habituée à ce petit nom. L'échange s'est vraiment fait dans les deux sens.

Khadim
Répondre

très bel article Ce que vous venez de faire c'est la même chose qu'on fait les tenants de la négritude en s'emparant du mot nègre et en le détournant pour le faire sien et le renvoyer à la face de ceux qui les traitaient de nègre et il faut être grand seigneur ou passer outre la connerie des gens pour pouvoir le faire . C'est une marque de grandeur d'esprit Salam et respect car j'ai toujours été gêné d'entendre mes compatriotes traiter les gens de Niak ou autre chose surtout si le but est de blesser

habesha
Répondre

Merci Khadim là j'avoue que je suis très flattée par ton commentaire. Le parallèle est assez fort car je n'ai jamais senti une xénophobie ou une oppression quelconque ce qui était le cas à l'époque des tenants de la négritude. Pour moi le Sénégal reste une terre d'accueil qui m'a été jusque là très favorable. Mes petits chocs culturels ne sont vraiment pas comparables à ce que subissent d'autres sous d'autres cieux.

Patrick de la Joie Divine
Répondre

Trop cool! Mangeur de porc, buveurs de bière et femmes faciles.
Le terme niak, ils te le collent. Quand tu demandes le sens à ceux qui traitent les autres de niak, ils s'emballent dans des explications qui renforcent la suspicion. J'aime voir leurs têtes quand je prends les devant pour dire que je suis un niak: Ils font tout pour me faire accepter qu'ils nous prennent pour leurs frères, que nous sommes tous pareils et que niak n'est pas un terme élogieux. Mais je signale que rares sont ceux qui donnent le sens vrai.
mais comme tu l'as dit, nous sommes pareils en Afrique. Au Togo, que tu connais certainement, Ibo veut dire mangeurs d'hommes ou escroc, Sawi: Awissa ( déformation de hawoussa). D'ailleurs, pour nous peuhls et awissa désignent le même peuple, vendeurs ambulant, la crève-fin dans son pays.
Nos petits démons intérieurs nous poussent à traiter l'autre comme un marginal!

habesha
Répondre

Merci pour ton commentaire Patrick, ça fait plaisir :)
Comme tu l'as si bien souligné nous sommes tous pareils en Afrique et je dirais même c'est le propre de l'homme. On ne se contente jamais du nom, il faut qu'on classifie, qu'on renomme selon différents critères sans penser que ça puisse blesser.
Akpé encore une fois pour ton passage ici :)

hesty
Répondre

ton article est vraiment très instructif et aussi très intéressant!!! Etant camerounaise j'ai eu tendance à appeler les étrangers avec ce genre de petits "surnoms" sans que ce ne soit forcément avec une envie de frustrer qui que ce soit!!!Contente de voir que tu ne t'arrêtes pas
sur ce genre de détails!!!ce que j'en tire comme leçon c'est le fait que moi aussi je vais avoir
à subir ce genre d'appellation si je me retrouve dans un autre pays!!!c'est la triste réalité ; nous avons tous tendance à nous méfier des étrangers....

Nikème
Répondre

Pas facile d'être Niak à Dakar mais on s'habitue...
Merci la Niak et bcp de courage.

Youssouf Chinois
Répondre

No comment pr moi... mais j'en profite pr te le dire pr la première fois... je te salue la sympathik "niak"! lol

BUBU
Répondre

Niak, je pense qu'il faut positiver, je positive toujours pour ne pas avoir quelque chose qui fera mal... et pourtant le "niak" est celui qui dans la classe travaille bien, fait des recherches tout le temps, récolte de bonnes notes et s'exprime bien en français. la langue française est le langue officielle au sénégal, permettez-moi d'en douter car ayant rencontré ou même vu à la télé des bacheliers, des étudiants sénégalais, qui, lorsqu'ils s'expriment en français, Moliére ou Hugo n'ont qu'une seule envie ou même Léopold Sédar Senghor, se lever de leur tombe pour corriger leurs fautes.... le wolof étant partout et sur toutes les langues jusqu'à manger la langue officielle..... la faute est pour qui?
le "niak" comme le sénégalais comme le toubab, a des défauts comme des qualités,
avant d'être niak ou sénégalais ou toubab ou chinois etc, nous sommes et resterons tous des HUMAINS, le combat se situe là bas mais pas dans les différences de races, de couleurs et tributs, d'éthnie. Nous devons mener des combats beaucoup plus importants que le fait de donner des surnoms à nos hôtes.
nous ne savons pas également comment nos hôtes d'ici, une fois chez eux, comment ils nous surnomment????

mieux vaut primer le combat de l'HUMANITE......

ma participation, trés modestement
je suis sénégalaise bon teint et pourtant les gens m'interpellent pour me parler parler ou dire des mots en wolof en pensant que je suis "niak" c'est peut être parce que je fréquentais les niak, l'adage a dit "qui se ressemble s'assemble"""

galsen
Répondre

Il faut dire que la plupart de mes compatriotes ne savent pas ce que signifie ces "titres", ils savent juste que c'est péjoratif à l'origine et l'utilisent à tort et à travers (peut être une manière d'assumer). Ce qui peut laisser des rancœurs chez certains. Cependant c'est une généralité en Afrique où nous récoltons d'ailleurs souvent avec nos voisins nigérians, ivoiriens les surnoms "les plus élogieux": dingari, wara, sales,hypocrites....
Comme quoi quand on a un préjugé envers l'autre, il en a encore plus sur nous c'est ce qu'un de mes profs disait et j'ai eu l'occasion de le vérifier.Quand on indexe une personne par un doigt nos autres doigts nous indexent(imagée mais très vrai, essayez).
Nous avons tous à apprendre de chacun.Dixit la dingari ;), hey oui c'est mon petit nom de galsen chez les congolais .

Welcome in Senegal.

miamia
Répondre

bon billet mais je dirai tout simplement qu'il faut cesser de prendre le mot "niak" comme péjoratif c'est juste un nom que les sénégalais ont l'habitude de coller aux étrangers venus de certains côtés de l'Afrique. Et d’après ce que j'ai pu remarquer ce n'est pas seulement les "niak", il y a les "dringg" qui sont les guinéens, les "nars" qui sont mauritaniens, marocains, tunisiens et les "toubabs ou khonk nopp" signifiant oreilles rouges pour parler des européens. Rien de méchant je pense que c'est

BA Arouna
Répondre

Je ne savais pas que la "Niak" c'est cette voisine de bureau que je côtoie tous les jours au boulot. Bravo pour ce texte et bonne continuation sur Mondoblog. Quelques fois, les étrangers sont appelés "kania" (Verlan de Niak) qui signifie rat en wolof.

kareen
Répondre

Choquée par ce dernier commentaire de Mr. BA Arouna ! Surnommer des humains "kania ou rat", je trouve que c'est abusé walaiiii !! Anyway excellent billet Miss et bonne continuation !!

SiraKane
Répondre

Salut jusqu'au ma connaissance niak vraiment etait juste un mot pour designer les etrangers des certains pays africains, voir les parleurs des langues tonales, telles que Yoruba, Akan, Lingala, , et je depasse , pour je ne penserais pas que ce terme puisse decrire les Ethiopiens.

la terme est devenue grossier pour decrire qlqn "depourvu" ou " broussard"

mansour
Répondre

Salut je viens de decouvrir ton blog et en lisant j ai souri reflechi pour tt dire traverse par diiferents etats et c est vrai tt depend de kel cote on se trouve moi ki ai des parents''niak'' par alliance j en sais klk chose
je vais raconter 2 anecdotes ;je travaille dans l audiovisuel et un jour je devais travailler pour awadi ki a invite bcp de ces amis musiciens d afrique centrale et on etait dans une voiture ou gt le seul senegalais et ca ''criait trop fort meme''mais ca m a fait reflechir k il faut toujours etre tolerant pcq la c moi l etranger b1 qu on soit a dakar
l autre c dans une agence de comm et un jour un jeune journaliste stagiaire debarque ecervele k il est declare ici y a trop de ''niak'' on lui tire les oreilles pour lui dire que la boite appartient pour moitie a un niak la femme du boss et que lui mm est niak ayant des parents un peu partt en af de loues et du centre pr dire qu on est juste africain ce qui fera notre force