Je suis une niak, j’accepte
Comme je le disais tantôt je suis arrivée au Sénégal depuis 7 ans déjà. Étrangère donc, mais plus précisément, étrangère de l’Afrique centrale, vous verrez cette distinction a son importance dans mon histoire. Ce constat anodin je n’en saisissais pas l’ampleur jusqu’au jour où j’entendis ce qualificatif : niak.
Au début, un terme qui fait mal …
« Vous les niaks là » « Niak Bi ». C’est de cette façon que j’ai connu ce terme. A l’époque, un ami sénégalais parlait de nos habitudes diverses et variées : boire de l’alcool, manger du porc, parler très fort dans les lieux publics, le concubinage, les femmes faciles, les femmes musclées. Oui, il a aussi mentionné cette caractéristique.
En bref, beaucoup de préjugés, quelques vérités, mais surtout une stigmatisation qui n’était pas nécessaire.
Plusieurs définitions m’ont été données. Un vieil homme sénégalais à qui j’avais posé la question m’a expliqué l’origine du mot. A la base niak désignait les étrangers, ceux qui vivaient de l’autre côté. Les habitations étant séparées par des clôtures, ceux qui n’étaient pas à l’intérieur pouvaient être considérés comme un danger potentiel, comme sauvages. Et là, aucun rapport peut-être, mais la chanson du dessin animé Pocahontas m’est revenue tout d’un coup : « Mais si dans ton langage, tu emploies le mot sauvage, c’est que tes yeux sont remplis de nuages ».
Le temps qui passe ayant une incidence sur les mots, niak est devenu le terme utilisé pour les non-Sénégalais d’Afrique noire. Excepté les cousins maliens, les Guinéens et les Gambiens.
Un mot qui prête à confusion
Combien de fois dans une conversation anodine ne m’a-t-on pas dit : « Ce gars ou cette fille, c’est ta compatriote ». Et moi de répondre: « Ah il/elle est Camerounaise»et la personne de surenchérir « non c’est un Ivoirien, mais c’est un niak comme toi non », ok. La Côte d’Ivoire est en Afrique de l’Ouest et moi je suis Camerounaise.
Combien de fois j’ai entendu : « Mais toi tu es niak, tu n’es pas comme nous ». Justement si, je suis aussi comme vous avec mes différences. Au lieu de nous séparer, elles devraient nous rapprocher.
Une amie sénégalaise qui a découvert récemment le blog m’a demandé de changer le nom, car «c’est péjoratif ». Et bien, j’ai décidé d’embrasser cet état.
Aujourd’hui, je me réapproprie le terme car au fond chacun a son « petit» nom
Les Français sont bien appelés toubabs, les Nord-Africains nar. Je dois avouer qu’en plus d’être une niak j’ai aussi été confondu plusieurs fois à une toubab et à une nar. Mais je préfère garder l’extrême qui semble être la niak.
Dans d’autres contrées, les étrangers ont aussi un nom. Au Cameroun, tous les Nigérians sont des Biafrais même ceux qui n’ont rien à voir avec le Biafra (ce qui inclut qu’ils sont bandits ou experts en contrefaçon). Les Sénégalais sont appelés saï saï* ou saï tout simplement.
Au final chacun a son petit nom, mais quand on reçoit le sien ça fait moins rire évidemment.
Oui mes compatriotes parlent souvent d’une voix forte, mangent le porc et aiment la bière même si je ne corresponds pas à toutes ces caractéristiques, j’accepte. Oui j’accepte ce nom. A moi de ne plus ressentir la lourdeur de ce mot qui peut parfois tomber comme un coup de poignard ou comme une simple boutade.
Signée la niak.
Allez, au prochain billet.
Saï saï = garçon ou homme pas sérieux, beau parleur.
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